Dominique Cerf

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artiste plasticienne

Les images de Dominique Cerf sont extraites d’un monde lisse et presque toujours convenable où règne la promesse commerciale, sociale, amoureuse... Publicités de magazines, manuels de savoir-vivre, échantillons de matériaux, romans à l’eau de rose… La vie en kit, en vitrine, flambant neuve.  Les sentiments sont nommés, les surfaces circonscrites, les rôles distribués. Préparatifs d’une vie  qui n’aura jamais lieu au-delà de sa promesse. Des corps qui s’agencent comme des choses. Au centre, celui de la femme.

Que l’on tourne distraitement les pages des magazines féminins ou que l’on détache quelques formules de la vie rêvée de roman photo, et la belle ordonnance des mondes s’écroule au profit d’un éparpillement insensé et parfois fascinant. Le signe brille tout seul, à vide. Du sourire, on ne voit que les dents. L’artiste choisit de reconduire et d’amplifier le processus de liquidation du sens, de réversibilité, de retournement de ce qui construit l’image de la femme. De l’homme tout aussi bien. S’il y a une réponse féministe dans ce travail, elle ne s’écrit pas comme un réquisitoire mais elle se déduit de la sidération. Le collage est l’outil de cette déconstruction baroque.

Le commerce se confond souvent ici avec le commerce des sexes où, entre imagination fébrile et apparence calculatrice, l’on s’imagine avoir quelque chose à offrir à l’autre ou à obtenir de lui. La chair qui n’est pas absente de cette peinture, n’est pas celle d’un moment d’incarnation, elle bascule toujours entre la viande et la fioriture des tissus. Il n’y a plus rien à cacher ni à découvrir, il n’y a plus d’intérieur ni d’extérieur. L’effroi de la matière organique est tempéré par la répétition, la trivialité, l’excès des paillettes. L’offrande féminine obstinée et laborieuse s’étend à la possibilité d’agencer sans fin les choses autour de soi.

L’humour de ces assemblages relève du contraste et de la saillie. Chaque élément éclaire l’élément voisin d’un jour critique. Fictions et matières entretiennent des rapports complexes où dominants et dominés échangent allègrement leurs rôles. L’informe met en crise la forme tout en feignant de la mettre en valeur. Comme le féminin le fait du masculin. Tout ce qui fait signe est menacé par le milieu qui n’a de passif que l’apparence, tout ce qui fait fond remonte à la surface. Le rire surgit du renversement ou du travestissement de ces hiérarchies mais surtout de ce qu’ils révèlent de la vanité des rôles.

La mécanique codée des attractions, des répulsions, des contrastes, cache cependant de vraies rencontres, comme l’humour fait parfois écran à l’amour. Au-delà des pratiques sociales épinglées, textes, dessins et matières s’exaltent en douceur, dans un dialogue poétique où chaque chose livre à l’autre le suc de son étrangeté.

Dominique Dureau

  • 01 Demain je m'y mets... à l'Aïkido collage, 2014
  • 02 Demain je m'y mets...à l'Aïkido collage, 2014
  • 03 Qui êtes-vous...Apprenez à faire le point collage 2014
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