Pol Pierart

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Artiste plasticien, peintre, photographe


« Quand quelqu’un fait sienne l’une de mes peintures, ça me réconcilie avec moi-même. »

Loin de considérer l’art comme une fin en soi ou comme un objet de contemplation, Pol Pierart l’envisage en tant que moyen, pour établir une relation avec l’autre. Sans provocation ni ostentation, il partage les questionnements qu’il rencontre au quotidien.

A travers le dialogue entre l’image et le (jeu de) mot(s) – qui apparaît aussi bien dans les peintures que dans les photographies et dans les vidéos –, il nous plonge avec finesse dans nos réflexions sur nous-mêmes et sur le monde dans lequel nous vivons. 

« Le passé, c’est mort ; et l’avenir, c’est la mort. Ça a l’air pessimiste mais au contraire : tout est dans l’instant présent ! »

Chaque facette semble teintée de discrets paradoxes, dont les éléments s’allient plutôt que de se heurter. S’il y a de la gravité dans l’oeuvre, elle est ludique. S’il y a de l’humour, il est mélancolique. S’il y a de la complexité, elle est générée par une économie de moyens et aisée à s’approprier. Si le propos est essentiel, il se montre modeste. Si l’idée prévaut, elle s’incarne. Si l’expérience est particulière, elle tend à l’universel. Si le sens glisse sans cesse, c’est vers la sincérité.

« Brandir les mots… »

Inscrits dans de grands aplats de couleurs, les mots se voient en tant qu’images et se lisent comme les calicots que les manifestants brandissent pour rendre leur parole plus présente. Leur polysémie invite le spectateur à entrer dans le jeu du tableau, en choisissant différentes combinaisons de lettres dont il s’approprie les suggestions à l’envi.

« Je ne veux pas que ma peinture soit violente, qu’elle s’impose trop. »

Les dimensions de la toile sont suffisantes pour qu’elle s’avance – contrairement aux photos qui demandent à ce que l’on approche – tout en restant humaine. Peau sans cadre, sobrement sensuelle, elle ne dépasse guère deux bras ouverts ou l’embrasure d’une fenêtre.

« L’une des finalités de la peinture est de rendre l’objet présent. »

Le langage plastique se contente de rendre la toile intense et de servir le propos. Rien de spectaculaire, ni de particulièrement esthétique, mais une composition, une matière, une couleur, un trait, un empâtement, un effacement, une biffure, une tache… qui s’allient à l’idée, dans une recherche de simplicité.

« Les mots sont peints dans – et non sur – la couleur. »

Le tracé des lettres participe à l’image. Les majuscules – impersonnelles mais peintes à la main, effacées au chiffon, barbouillées au doigt –, renvoient à la matière, au geste, au trait discrètement rond ou anguleux, tranquille ou expéditif, léger ou appuyé, selon  l’état d’esprit qui déteint sur l’écriture, comme malgré soi.

« C’est le journal de bord d’un quidam qui s’appelle Pol… »

Les centaines de photos en noir et blanc relèvent en vrac des instants du quotidien. Bordées de noir, en format 10x15, sans sujet grandiose ni déploiement technologique – l’appareil est un ancien argentique et le développement est réalisé par l’artiste en chambre noire –, elles semblent conserver la mémoire de ce qui a été. On les aborde avec une douce curiosité, comme des traces familiales posées dans leur cadre sur un buffet.

« Mon travail, c’est l’auberge espagnole. Et c’est tant mieux ! »

Continuellement, que l’on écoute la radio en vaquant à ses occupations ou que l’on se balade, l’œil et la pensée finissent par cristalliser certains moments. Ce qui traverse ainsi l’esprit de Pol Pierart passe sans transition du drolatique au dramatique, des questions religieuses aux aphorismes, des préoccupations sociales à la nostalgie de l’enfance… Quelques traits se développent avec le temps, répétés dans différentes photos ou déclinés sur toiles. Des décors et objets à la symbolique élémentaire reviennent régulièrement – le mini squelette, le nounours, le globe, la croix – ils font partie de la maison, des alentours, de la vie.

« Je ne parle pas de l’art mais des préoccupations de tout un chacun. »

A travers des saynètes simples, à la mise en scène décalée, Pol Pierart utilise sa personne comme une marionnette, les images emblématiques de ses jouets et le cadre dans lequel il vit, en association avec ses mots d’esprit, pour suggérer les rapports au temps qui passe, à l’amour, à l’avenir du monde, aux croyances… à tout ce que l’« on » évoque souvent avec trop d’empressement. Sans complaisance vis-à-vis de lui-même, il convie chacun à faire une halte pour observer ses propres résonances.

« Un jour, j’ai décidé de ne plus grandir. »

L’enfance, brandie du bout des doigts, ranime nos facultés d’émerveillement, réveille le plaisir de découvrir de l’âme et de l’art dans le banal, de créer un univers avec presque rien, de passer du sourire au bord des larmes.

« La poésie, c’est la réalité évoquée, donc à compléter, pas définitive, active... »

Qu’il soit assimilé à une photo 10x15 en noir et blanc encadrée ou à une toile dix fois plus grande en couleur et sans châssis, le propos ne se veut en aucun cas écrasant. L’œuvre nécessite l’initiative de celui qui la regarde, entreprend de lui donner du sens, l’achève provisoirement.

« On peut vivre sans art. Mais on ne peut pas vivre sans idées. » 

En réécrivant des expressions communes, Pol Pierart brouille les signes et sabote nos certitudes. Ses images convoquent notre vécu, épinglent les contradictions de notre société, nous font parler de l’Homme.

Marie Guérisse

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  • 02 acrylique sur toile, 114x151cm, 2003
  • 03 acrylique sur toile, 87x123cm, 2008
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