INTO THE VOID

25.11.2023 - 21.01.2024

Marc Soisson

Vernissage le 25.11.2023 à 11:30

Dominique Lang

Marc Soisson, la contemporanéité du chamane ou la performance de l'archétype.

Le travail artistique de Marc Soisson se base sur la pratique du dessin. Il élabore ainsi un vocabulaire formel propre qui s'élargit à l'intérieur du motif à la troisième dimension. Le geste s'étend de l'abstraction à la concrétude d'un processus couvrant les cycles de l'existence. Bien qu'ancré dans un passé archétypal ancestral du signe et des matériaux basiques, ce travail se présente à nous d'une extrême pertinence contemporaine.

Il s'agit dans un premier temps d'une pratique alchimiste se concentrant joyeusement sur la cuisine des matériaux utilisés, dans un cadre formel concentré sur la tradition de la réduction. Marc Soisson sous couvert archaïque, opère à une relativisation du moderne. 

Il utilise dans son art du processus et de la transformation en parenté avec Joseph Beuys, Dieter Roth ou Robert Morris, les matériaux charbon-fusain et les ocres minérales mis en scène comme des capsules de (sur-) vie, mais encore une palette de matériaux symptomatiques symboliques, comme le sel, les sangs, les cheveux : résidus informels grouillants de la vie organique de l'artiste et de sa vie privée comme ses impayés (éléments réinsufflant du narratif, de l'anecdote dans le désert minimal), toutes traces de son passé dans les Ardennes Luxembourgeoises avec leur atmosphère très spécifique. On pense notamment au passé minier et industriel de la région, à la pollution qui en résulte, mais aussi aux falaises d'Ardoise, paysages naturels noirs de lacs et de forêts au nord du pays, une opposition entre le noir naturel et le noir industriel, très percevable dans le travail de l'artiste.

Dans un deuxième temps, ce travail de relativisation se présente formellement sous forme de dichotomie (formel informel). Un déplacement contenant-contenu, ou la forme idéologique n'est plus le but ultime mais devient un simple contenant. Depuis ses études à l’académie des beaux-arts de Karlsruhe Marc Soisson s'enfonce volontairement dans la structure minimale pour l'explorer mais aussi pour mieux la remettre en question, et s'en servir donc de contenant à l'effervescence de la matière et non plus comme une finitude, montrant par ce biais le moderne comme notre antiquité. Un cadre, contrastant avec l'exubérance baroque des métamorphoses des matériaux qui libèrent ainsi leurs principes actifs en deçà des formes structurées et amorphes puisées dans l'art américain des années 70.

Dans le secret de la vie et de la mort, le chamane opère à des transformations en redonnant une vie à ce qui est considéré comme inerte, il relativise le définitif. D'un point de vue plastique le fusain n'est pas un simple matériau. Il est une interface, vu comme la résurrection de l'arbre. L'arbre/feu/charbon remis en processus actif dans la chaine de la vie, mimesis du processus de création. D'un point de vue historique de l'art ceci peut être lu comme une ouverture post-historique (l'après-post), métaphore de la situation artistique contemporaine.

En effet, dans un troisième temps, pour ainsi faire, l'artiste s'incarne physiquement dans son travail, lors de performances documentées par des photos qui prennent valeur d'un nouveau corpus d'œuvres. Utilisant sa personne, interface entre le spectateur et l'autre monde, incarnant lui-même comme le fusain, le lien avec l'autre monde, pensant sans illusion qu'il y a bien un autre monde mais c'est celui-ci (R. Char). Il nous rappelle ainsi dans les thèmes développés dans ses différentes séries, les mythes fondateurs de notre société, ses espoirs et ses cauchemars.

Tout en décrivant son époque, il propose comme un Alexander von Humboldt actuel de potentielles ouvertures pour un monde meilleur, fondées au-delà de leur pertinence plastique sur une connaissance élargie de domaines variés allants de la cartographie, la navigation, aux sciences naturelles, à l'intérêt pour les espèces toujours dans l'optique de préserver, recycler, transformer dans un éternel mouvement, la vie. Cela s'incarne spécifiquement dans des projets land art utilisant la planète comme support par une série comme dans le dessin, d'action-réaction, pour par exemple mieux répartir les ressources en eau…


Nous ne sommes pas dans un rapport à la nature du Romantik allemand mais au cœur du processus, à l'intérieur du motif dans l'essence des choses.

Virginie Mossé, 2023