Pascal Piron

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Peintre


Il y a deux catégories de sujets apparents dans les séries que Pascal Piron présente à l’occasion de cette nouvelle exposition. Celui de la peur exposée et celui de l’innocence pervertie. Mais comme les apparences sont trompeuses, ces thèmes n’ont finalement qu’une importance secondaire. Honni qui mal y pense, mais les associations que nous faisons instantanément avec ce genre d’images, sont essentiellement des réflexes conditionnés par une mémoire collective qui se nourrit de visions simplifiées à souhait. Le véritable sujet de ces images n’est ni la catastrophe, ni le bonheur, mais une approche bien plus fondamentale, structurelle, de ce que peut signifier la transposition d’une image à l’heure actuelle. En y regardant de près, il y a une chose essentielle dans ces images qui devrait poser problème. Elles ont des caractéristiques formelles qui font que leur identité médiatique peut être associée à la peinture tout autant qu’à des images photographiques digitales. L’origine photographique de ces images est facilement identifiable. Pascal Piron les a récupérées sur internet, mais cette source n’a d’intérêt que dans la mesure où elle concerne aussi la forme des peintures qu’il réalise d’après ces motifs. Ici, les portraits de personnes qui observent avec diverses expressions, allant de l’horreur au désespoir, le spectacle de la mort en direct, ne sont pas le sujet d’un travail de photoréalisme ou de photopeintrie. Le procédé pictural de Pascal Piron est autrement conceptuel, il s’adapte partiellement à la structure même de sa source visuelle et digitalisée. Ces peintures et dessins à l’encre colorée sont construits, couche par couche avec séparation des composants colorés à l’instar de la séparation de couleurs lors de l’impression sur papier. Pascal Piron peint séparément, strate par strate 20 couches de noir, de jaune, de cyan et de magenta. Cette superposition fastidieuse est une méthode pour se réapproprier une réalité formatée. Ce travail permet d’optimiser une des qualités fondamentales de la peinture par rapport à d’autres médias. En effet la surface picturale de ces oeuvres révèle aussi bien des caractéristiques photographiques, telles que le flou, des caractéristiques digitales, telles que la pixellisation et des caractéristiques peintes, telles que les coulis de peinture ou le vernis. Cette esthétique souligne le fondement conceptuel de ce travail qui révèle la peinture comme interface qui couple la réalité à ce que nous sommes capables d’en déduire. Et cette déduction est l’enjeu central de cette stratégie d’analyse de la perception en soi. Il n’y a pas d’image coupable, mais il y a certainement un regard compromis. Et cette position du spectateur n’est jamais innocente, elle implique un a priori qui est au centre des réflexions de Pascal Piron. Il y a dans ce travail une confrontation permanente entre préjugés visuels et une construction picturale qui subvertit les certitudes premières. Cette subversion est celle d’une peinture qui utilise une figuration prémédiatisée pour questionner l’identité intrinsèque de ce flot d’images qui nous semblent familières, mais dont les sources véritables et leurs relations au monde nous échappent le plus souvent. Là réside la critique que Pascal Piron applique à ses sujets.

Christian Mosar dans le catalogue de l'exposition Recent works au centre d'art Nei Liicht

http://www.pascalpiron.com/
  • 01 The Happy Few I, encre et acrylique sur toile, 180 x 180 cm, 2012
  • 02 The Happy Few II, encre et acrylique sur toile, 180 x 180 cm, 2012
  • 03 Eyewitness I, encre et acrylique sur toile, 70 x 100 cm, 2012
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