Andrès Lejona

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Photographe

La rhétorique de l'image chez Andres Lejona

Dire d'un photographe que l'objectif de sa caméra est la prolongation de son oeil ou qu'il vit sa vie à travers le viseur de sa caméra relève des lieux communs qui en disent moins sur son engagement créatif que sur les frontières qui séparent la vie et l'oeuvre. Autodidacte, Andrés Lejona ne choisit pas seulement la photographie pour en vivre, mais simplement pour vivre, pour explorer le monde, voire pour s'évader.

Tout jeune, il commence son errance photographique, d'abord en Espagne, dans son Pays basque natal, puis à Madrid où il apprend le côté spirituel de la photographie chez un grand maître, avant de se perdre quelques mois dans la vie nocturne de Londres.

Vers la fin des années 80, il atterrit finalement à Luxembourg où il s'investit lors d'un premier séjour dans la photographie de presse en travaillant dans le secteur des magazines branchés luxembourgeois. Face aux positions décalées de la Movida, mouvement d'avant-garde madrilène qui l'a motivé à ses débuts artistiques, son style de l'époque est plutôt classique.

Et pourtant on appréhende l'énergie et la sensibilité nouvelles que ses photographies apportent progressivement à l'édition luxembourgeoise. À côté des commandes photographiques pour l'édition, mais parfois sans faire de hiérarchie entre les deux, Andrés Lejona développe peu à peu sa propre série de photographies qu'il décline en catégories comme l'architecture, l'urbain et le portrait. Ainsi les images publiées dans les pages de nico, paperJam, Rendez-vous ou City Magazine, dans certains cas se mélangent avec son travail proprement artistique, qui semble en découler naturellement.

Du point de vue poïétique, l'acte photographique chez Lejona procède d'un dialogue visuel qui trouve son impact aussi bien dans l'édition à travers des portfolios thématiques que dans le cadre de l'exposition. De même, qu'il s'agisse de travaux personnels ou de commandes, n'en déplaise aux puristes, l'esprit humoristique, tout comme la dérision cachée, sont présents, parfois de façon latente, dans beaucoup de ses images.

Toujours à la recherche de l'insolite dans la quotidienneté, Andrés Lejona est stimulé dans son travail par les confrontations les plus diverses. Ses pérégrinations sud-américaines, pendant huit ans, mais aussi ses expériences journalières actuelles au Luxembourg témoignent de son esprit d'ouverture et de son goût pour l'aventure. Malgré les différentes épreuves dans sa vie professionnelle et privée, il continue d'approcher le réel avec une certaine fraîcheur et avec beaucoup de créativité.

La photographie pour lui, vous l'avez compris, c'est le lieu de la rencontre. Il n'y a pas de portrait quand il n'y a pas de relation entre le photographe et son modèle. Cette complicité, Andrés Lejona l'exploite dans ses mises en scène qui sont des allégories de la vie quotidienne symbolisant les activités et les pensées des protagonistes, parfois incarnant même leurs vices ou leurs vertus.

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Chaque image de Lejona est dotée d'une énergie électrique qui émerge de cette tension entre l'objet et l'être humain. Contrairement aux apparences, ses modèles, en victimes consentantes, arrivent, avec la connivence du photographe, à maîtriser la situation.

La mise en scène qui préfigure ces portraits, toujours subtilement orchestrée par l'artiste mais aussi animée par les rôles auxquels les sujets s'adonnent, crée une narration visuelle qui stimule l'interprétation. Ainsi, le spectateur, tout en gardant une certaine distanciation face au déroulement de la scène, se laisse facilement prendre au jeu.

Il y a donc peu de place pour le purement psychologique dans cette série de portraits qui, d'une façon ou d'une autre, fait resurgir les propres craintes de l'artiste qu'il sait masquer magistralement par une rhétorique de l'image qui nous fascine.

Paul di Felice dans le catalogue Andrés Lejona Portraits 1986 - 2009 paru à l'occasion de l'exposition au centre d'art Nei Liicht


www.andreslejona.com
  • 01 Portraits 1986-2009, série Avenida Caribe, Leo Matiz, 1997
  • 02 Portraits 1986-2009, série Noir et blanc, python
  • 03 Portraits 1986-2009, série Noir et blanc, Dominique
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